En 2023, les productions de céréales à paille et d’oléagineux diminuent en Bretagne, à l’inverse des évolutions nationales. Comme en France, les surfaces cultivées dans la région se réduisent pour les céréales à paille, et progressent fortement pour le colza. À l’exception de l’orge, les rendements des différentes cultures diminuent en Bretagne, en particulier celui du colza. Au niveau national, les rendements des céréales à paille augmentent et celui du colza se replie.
Malgré un bon début de campagne favorisé par les pluies de l’automne 2022, le déficit pluvieux en milieu d’hiver 2023 retarde le développement des cultures bretonnes. La chaleur en fin de printemps impacte fortement le colza, puis les fortes précipitations durant l’été perturbent les moissons et dégradent les rendements. L’orge d’hiver s’en sort toutefois bien, grâce à une fin de cycle favorable.
En ce qui concerne la récolte 2022 des céréales et des oléagineux, les prix restent élevés aux niveaux régional, national et mondial.
La production de céréales à paille et d’oléagineux diminue
En Bretagne, la production de céréales à paille en 2023 recule de 3,2 % par rapport à 2022, du fait d’une légère réduction globale, à la fois des surfaces et des rendements. Elle reste cependant supérieure de 2,7 % au niveau moyen des cinq dernières années. S’agissant des oléagineux, la diminution des rendements l’emporte sur l’augmentation des surfaces, faisant reculer la production de 4 % comparée à celle de 2022. Celle-ci dépasse toutefois d’un quart la moyenne 2018-2022 (figure 1).
Figure 1 - La production reste importante malgré la baisse en 2023
Production bretonne de céréales à pailles et d’oléagineux
| Source : Agreste - Draaf Bretagne - Statistique agricole annuelle 2018 à 2022 - Conjoncture grandes cultures 2023
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La superficie globale de céréales à paille se réduit de 2,7 % en 2023, après avoir été stable en 2022. La baisse concerne en premier lieu l’orge, dont la surface perd 9,1 % comparée à celle de 2022 (figure 3). La surface cultivée en triticale diminue de 1,8 % en un an. À l’inverse, la sole en blé tendre progresse de 0,5 %.
Contrairement aux céréales à paille, la superficie implantée en oléagineux (colza pour 95 % des surfaces) gagne 21 % sur celle de l’an passé, en forte augmentation pour la deuxième année consécutive. Celle en protéagineux (pois protéagineux pour environ la moitié des surfaces) s’accroît fortement (+ 40,3 %) après s’être réduite de 3 % l’an dernier.
Figure 2 - Recul des rendements sauf en orgeSurfaces et rendements des principales cultures en Bretagne entre 2018 et 2023
2018
2019
2020
2021
2022
2023
Total blé tendre
S
297 150
301 590
237 660
296 315
294 601
296 171
R
68
80
68
72
76
74
Total orge et escourgeon
S
96 401
95 810
107 417
94 360
95 665
86 995
R
65
71
61
66
66
69
Triticale
S
26 038
28 680
22 850
33 440
34 366
33 751
R
54
62
59
60
63
59
Total colza (et navette)
S
53 600
51 405
52 966
50 640
59 635
72 284
R
34
36
27
35
40
31
Après avoir augmenté en 2021 et 2022, les rendements des céréales à paille faiblissent en 2023 et ceux des oléagineux chutent (figure 2). En un an, le rendement global des céréales à paille se réduit ainsi de 0,6 % (– 1,8 % pour le blé, – 6,9 % pour le triticale, mais + 3,8 % pour l’orge). Les rendements de 2023 du blé, et surtout de l’orge, dépassent les moyennes 2018-2022 (respectivement + 1,9 % et + 4,1 %), ce qui n’est pas le cas du triticale (– 1,1 %).
Concernant les oléagineux, les rendements se replient de 21 % par rapport à ceux de 2022 et de 10 % comparés à la moyenne quinquennale.
Une production globale de céréales en hausse en France et dans le monde
La production mondiale de céréales de la campagne 2023-2024 devrait augmenter de 0,9 % par rapport à la dernière récolte, pour atteindre un niveau équivalent au record de 2021-2022. Les gains importants en maïs et sorgho font plus que compenser les moissons moindres de blé, d’orge, d’avoine et de seigle.
Figure 3 - Des prix mensuels en repli, mais toujours élevés
Cotations mensuelles pour le blé tendre, l’orge et le colza en euros par tonne
| Source : FranceAgriMer, La Dépêche
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En France, selon les premières estimations, la production 2023 de céréales progresse de 4,3 % par rapport à celle de 2022, du fait d’une amélioration générale des rendements, et malgré une baisse globale des surfaces. La production de maïs grain s’accroît de 5,5 % : les pluies de fin juillet-début août favorisent le potentiel de rendement, faisant plus que compenser la baisse des surfaces. Pour les seules céréales à paille, la production augmente de 4,1 %, grâce aux rendements, en dépit d’une sole en recul de 1,2 %. Les surfaces de blé tendre et d’orge d’hiver progressent, tandis que celles d’orge de printemps se réduisent fortement. S’agissant des rendements, celui du blé tendre est plus homogène que l’an dernier, mais diffère selon le type de sol : très bon en sols profonds, il chute en sols légers, car très vulnérables au manque de pluies. Concernant l’orge de printemps, les conditions sont meilleures qu’en 2022, où cette culture avait sévèrement pâti de la sécheresse. En revanche, pour le colza, le manque d’ensoleillement lors de la floraison affecte son rendement. La baisse de la production est cependant atténuée par la forte hausse des surfaces.
Globalement, les récoltes 2023 de céréales à paille, colza et protéagineux s’avèrent satisfaisantes en quantités, dépassant les moyennes des cinq dernières années, sauf pour le blé dur et l’orge de printemps. Leur qualité est également globalement correcte. C’est le cas notamment des poids spécifiques et des teneurs en protéines du blé tendre, de l’orge d’hiver et des pois protéagineux.
Après des niveaux de prix des céréales déjà inédits en 2021 (figure 3), la guerre en Ukraine déclenchée fin février 2022 renforce cette hausse en 2022, provoquant une crise des marchés. La Russie et l’Ukraine représentent, en effet, 30 % des échanges mondiaux de céréales à elles deux. En France, les prix atteignent ainsi des niveaux record en avril ou mai 2022 pour le colza, le blé, l’orge et le maïs. Depuis, les prix redescendent régulièrement tout en restant élevés. Les bonnes perspectives de récoltes 2023 dans l’hémisphère nord et la forte compétitivité des grains russes exercent, en effet, une pression à la baisse sur les prix des céréales. En juillet 2023 toutefois, les cours rebondissent légèrement en raison de la non reconduction par la Russie du corridor maritime qui permettait à l’Ukraine d’exporter ses grains en mer Noire. La baisse reprend en août 2023, et les cotations du blé, de l’orge et du colza rendus Rouen, deviennent comparables aux moyennes respectives des cinq dernières années pour le même mois.
Une météo favorable à l’orge d’hiver, pas au colza ni aux céréales à paille
Après une année quasi-continue de déficit pluviométrique, l’automne 2022 présente un excédent en pluies et les températures continuent de dépasser les normales saisonnières, sauf en décembre. Les semis de céréales se déroulent dans de bonnes conditions. La croissance du colza est rapide et forte, favorisée par le temps extrêmement doux,
En 2023, les températures mensuelles dépassent les normales de saison tout au long du premier semestre.
L’hiver 2023 débute avec des précipitations comparables aux moyennes en janvier, puis en fort déficit en février. Quelles que soient leurs dates de semis, la totalité des parcelles d’orge d’hiver et de blé tendre atteignent le stade « début tallage » fin janvier. La bonne pluviométrie de novembre à mi-décembre a permis des développements végétatifs importants pour les parcelles semées précocement. On note toutefois des parcelles jaunies notamment en orge d’hiver dans les zones en cuvette, en raison d’un excès d’humidité du sol. Fin février, les parcelles de blé tendre sont majoritairement en fin de tallage et les premières parcelles au stade « épi 1 cm » commencent à arriver. La pluie fait son grand retour en mars, et permet, avec les températures clémentes, un développement rapide de l’orge d’hiver et du blé tendre. Ces cultures présentent, cependant, un retard de montaison. Les conditions climatiques en entrée et sortie d’hiver fragilisent les colzas.
Le printemps démarre avec un léger excédent pluvieux en avril. La pousse du blé tendre est alors conforme à la moyenne. Les parcelles les plus avancées atteignent le stade épiaison fin avril, tandis que l’orge d’hiver peine à rattraper son retard. Pour cette céréale, le début de printemps pluvieux a par ailleurs entraîné le développement de maladies de début de cycle. Le niveau des pluies redevient déficitaire en mai et juin. Cependant, les conditions de cultures de l’orge et du blé tendre restent conformes aux normales. La chaleur et le stress hydrique de fin de printemps n’ont pas d’impact sur l’orge d’hiver. Sa récolte débute fin juin, alors que le quart des surfaces était récolté à la même date en 2022. Fin juin, la moisson des blés n’a pas démarré et les grains sont en fin de remplissage. Concernant le colza, les chaleurs parfois extrêmes en fin de cycle diminuent le remplissage des grains, impactant les rendements.
Des moissons contrariées par les pluies estivales
La météo des mois de juillet et août est ensuite marquée par un important déficit d’ensoleillement et des précipitations supérieures aux normales, mais les températures sont conformes aux moyennes de saison. Alors que la moisson des céréales à paille était réalisée en un temps record en 2022, dans un contexte d’été sec et caniculaire, les conditions sont différentes en 2023, hormis pour les secteurs précoces du sud-est du Morbihan ou du sud de l’Ille-et-Vilaine, où les récoltes d’orge, de colza et de blé se sont terminées fin juillet.
La moisson 2023 du blé tendre est en effet contrariée par les pluies estivales : si 95 % des blés sont récoltés au 8 août au sud-est de la Bretagne, seulement 40 % le sont dans le nord-ouest (figure 4). Comme habituellement, les moissons sont plus tardives à l’ouest de la région. Il faut attendre le 28 août pour que l’ensemble du blé tendre breton soit récolté, soit trois semaines plus tard qu’en 2022. Cette fin de moisson tardive s’accompagne d’une diminution de la qualité et du rendement. Les taux de protéines des blés sont ainsi en retrait, et les poids spécifiques sont très hétérogènes et fortement dégradés pour la moitié des blés récoltés en août, affaiblis à chaque épisode de pluie. Par ailleurs, la productivité du blé varie beaucoup selon les périodes des récoltes et les secteurs.
Figure 4 - Part des surfaces en céréales à paille dans la superficie agricole utilisée en 2022
La météo capricieuse de l’été défavorise le triticale, à maturité plus tardive que celle du blé, et plus sensible à la germination sur pied.
La récolte de l’orge d’hiver s’avère bonne, en revanche, cette céréale ayant bénéficié d’une fin de cycle favorable. Fin juillet, toute l’orge d’hiver bretonne est récoltée et les rendements dépassent la moyenne quinquennale, pouvant aller jusque 100 quintaux par hectare dans le sud-est de la Bretagne.
La récolte de colza, quant à elle, est décevante, malgré une belle végétation. Fraîcheur et manque de lumière à la floraison, puis sécheresse au remplissage, expliquent des rendements faibles, après deux années particulièrement productives.
Des prix de céréales très élevés
En moyenne sur la campagne (juillet 2022 à juin 2023), les prix des céréales de la récolte 2022 s’affichent à nouveau très supérieurs à ceux de la campagne précédente (figure 5), du fait de prix très élevés à l’été 2022. Il s’agit, en effet, de prix pondérés par les quantités mensuelles collectées, la collecte étant principalement réalisée en début de période. Ces prix incluent, par ailleurs, les compléments de prix (régularisations entre l’acompte versé par les coopératives aux agriculteurs au moment de la récolte et le prix moyen de campagne).
En Bretagne, les prix au 30 juin 2023 des céréales récoltées en 2022 atteignent ainsi 264 € pour le blé tendre, 248 € pour l’orge et 248 € pour le triticale, en augmentation respectivement de 25 %, 28 % et 29 % sur les niveaux d’un an plus tôt. L’accroissement est encore plus important comparé aux moyennes quinquennales, avec, respectivement, + 55 %, + 62 % et + 61 %.
Figure 5 : Des prix de campagne en hausse continue depuis 2019-2020
Prix des céréales en Bretagne par campagne (prix au 30 juin)
| Source : Agreste - Draaf Bretagne, FranceAgriMer
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