Moissons d’été 2024 : une production de blé, d’orge et de colza en forte baisse

En 2024, la production de céréales à paille diminue de 16 % en Bretagne. La production d’oléagineux perd 20 %. Les baisses sont similaires en France. La campagne 2023-2024 est marquée par la pluie, présente tout au long du cycle. Dès l’automne 2023, les précipitations perturbent les semis : les surfaces sont réduites en raison de l’impossibilité de semer certaines parcelles. Les pluies persistantes durant l’hiver et le printemps altèrent ensuite le développement des cultures et gênent les interventions dans les champs. Les moissons de l’été, décalées dans le temps, révèlent des rendements en baisse et une qualité entamée. Les prix des céréales et oléagineux récoltés en 2023 redescendent, après avoir atteint des niveaux record en 2022.

La production de céréales à paille et d’oléagineux se replie

En 2024, la Bretagne produit 2,6 millions de tonnes de céréales à paille, dont 1,8 en blé, 0,6 en orge et 0,1 en triticale (définitions, figures 1 et 2). C’est le deuxième niveau le plus bas depuis 2010, après 2020. Il est inférieur de 15 % au niveau moyen des cinq dernières années. La production chute de 16 % par rapport à 2023, du fait d’une réduction à la fois des surfaces et des rendements. La production d’oléagineux atteint 189 000 tonnes. Elle baisse de 20 % entre 2023 et 2024, suite à la diminution simultanée des surfaces et des rendements. Le niveau est relativement moins bas comparé au niveau moyen 2019-2023 (– 6 %). La production de protéagineux (44 000 tonnes) faiblit également (– 13 % par rapport à 2023).

Figure 1 - La production baisse pour la deuxième année de suite

Production bretonne de céréales à pailles et d’oléagineux de 2010 à 2024 (base 100 en 2010) | Source : Agreste, Draaf Bretagne, statistique agricole annuelle 2010 à 2023, conjoncture grandes cultures 2024

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Figure 1 - La production baisse pour la deuxième année de suite
CultureCéréales à pailleOléagineux
2010 100 100
2011 101.7 118.9
2012 100.4 115.7
2013 106.5 122.5
2014 108.6 111.4
2015 115.4 111.1
2016 104.2 121.5
2017 113 165
2018 96.9 152.5
2019 113.2 155.9
2020 83.6 123.3
2021 103.1 150.2
2022 106.9 201.2
2023 103.4 195.7
2024 87 156.2

Figure 2 - Recul général des rendements

Surfaces, rendements et productions des principales cultures en Bretagne entre 2019 et 2024Surfaces, rendements et productions des principales cultures en Bretagne entre 2019 et 2024. S = Surface en ha, R = rendement en quintal par ha, P = production en milliers de tonnes

Cultures

Indicateur

2019

2020

2021

2022

2023

2024

Total blé tendre S 301 590 237 660 296 315 294 601 295 633 270 787
R 80 68 72 76 74 65
Total orge et escourgeon S 95 810 107 417 94 360 95 665 86 900 89 697
R 71 61 66 66 69 63
Triticale S 28 680 22 850 33 440 34 366 33 373 26 527
R 62 59 60 63 58 56
Total colza (et navette) S 51 405 52 966 50 640 59 635 72 469 62 605
R 36 27 35 40 31 29
Total céréales à paille P 3 358 2 482 3 058 3 172 3 067 2 581
Total oléagineux P 188 149 181 243 236 189

La superficie globale de céréales à paille se réduit de 6 % en 2024. En 2023, elle avait déjà reculé de 2 %. La baisse est importante pour le blé tendre (– 8 %, soit – 24 800 ha), comme pour le triticale (– 21 %, soit – 6 800 ha) (figure 2). À l’inverse, la surface en orge augmente légèrement comparée à celle de 2023 (+ 3 %, soit + 2 800 ha). Il faut cependant distinguer l’orge d’hiver, dont la surface diminue légèrement, de l’orge de printemps, dont la surface s’accroît fortement. En raison des conditions climatiques pluvieuses de l’automne 2023 et du printemps 2024, les céréaliers bretons ont en effet réduit les surfaces en céréales d’hiver au profit de celles de printemps et de celles du maïs. En 2023, la surface de céréales à paille représentait 27 % de la surface agricole utilisée des exploitations bretonnes (23 % dans le Finistère, 27 % dans le Morbihan, 28 % en Ille-et-Vilaine et 31 % dans les Côtes-d’Armor) (figure 3).

Figure 3 - Part des surfaces en céréales à paille dans la superficie agricole utilisée en 2023

Comme pour les céréales à paille, la superficie ensemencée en oléagineux (colza pour 95 % des surfaces) diminue en 2024. Elle perd 13 % sur celle de 2023. Ce recul suit deux années de forte hausse. La surface en protéagineux (pois protéagineux pour environ la moitié des surfaces) est également inférieure à celle de l’an passé (– 7,3 %, soit – 1 000 ha).

En 2024, les rendements fléchissent pour l’ensemble des céréales à paille, comme pour les oléagineux. En raison des mauvaises conditions climatiques de l’automne 2023 (pluies et inondations pendant la période des semis) et de celles du printemps 2024 (pluies et manque d’ensoleillement), la récolte 2024 est décevante. En un an, le rendement global des céréales à paille se réduit ainsi de 10 % (– 12 % pour le blé, – 8 % pour l’orge et – 4 % pour le triticale). Il faut toutefois distinguer le rendement de l’orge d’hiver, qui diminue (– 10 %), de celui de l’orge de printemps, qui s’accroît nettement (+ 28 %). Le rendement global des céréales à paille est inférieur de 10 % au rendement moyen 2019-2023.
Concernant les oléagineux, le rendement global se replie de 8 % par rapport à celui de 2023 et de 15 % comparé à la moyenne quinquennale.

La météo pluvieuse tout au long du cycle perturbe les cultures

À l’automne 2023, les semis de céréales à paille prennent du retard en raison de l’abondance et de la fréquence des pluies, qui dépassent les normales saisonnières. En effet, les cumuls d’eau importants saturent les sols, empêchant durablement l’entrée d’engins agricoles dans les parcelles. Certains chantiers de semis s’étalent ainsi jusqu’en janvier. La levée des céréales s’affiche également plus tardive qu’habituellement. Début décembre, seulement 64 % des surfaces de blé tendre ont atteint le stade levée (plantules bien verticales), contre 94 % en 2022. Les pluies altèrent le rendement potentiel dès l’automne. En effet, le passage des engins agricoles tasse les sols humides, affectant l’implantation des racines des plantes et leur capacité à s’alimenter correctement tout au long du cycle. Par ailleurs, la météo pluvieuse rend difficile la programmation des interventions de désherbage, qui sont aussi moins efficaces par temps humide, permettant au ray-grass de se développer.
Durant l’hiver 2024, la météo reste pluvieuse et les cultures souffrent de l’humidité excessive du sol. Les opérations d’apport d’azote et de désherbage ont dû être repoussées dans de nombreux endroits, en raison de la mauvaise portance des sols (définitions). En ce qui concerne les céréales de printemps, les pluies toujours présentes et la mauvaise portance des sols ne permettent pas de préparer les parcelles prévues, avec un risque de retarder les dates de semis.
Au printemps 2024, les fortes précipitations de mars et début avril nécessitent de laisser du temps au sol pour se ressuyer (sécher), retardant les chantiers de préparation et d’implantation des cultures de printemps. Durant la période de mi-mai à fin juin, la floraison et la maturité du blé souffrent des excès de pluies et d’un déficit des températures partout en Bretagne. Un manque de rayonnement pénalise également la photosynthèse et le remplissage des grains. La maladie de la septoriose (qui touche les feuilles) est par ailleurs importante pour cette culture. Le développement de l’orge d’hiver, quant à lui, est conforme à celui de 2023, avec 97 % des surfaces au stade épiaison, fin mai (définitions).

Des moissons décevantes en quantités, comme en qualité

La météo durant l’été 2024 est à nouveau pluvieuse, en particulier en août. Elle complique l’organisation des moissons et retarde les récoltes. Celle de l’orge d’hiver débute seulement fin juin : au 1er juillet, 4 % des surfaces sont récoltées, contre 25 % en 2023 et 10 % selon la moyenne quinquennale. Elle se termine début août, soit une semaine plus tard qu’en 2023. La récolte du blé tendre débute seulement fin juillet : au 29 juillet, 12 % des surfaces sont récoltées, contre 48 % en 2023 et selon la moyenne quinquennale. Elle s’achève en avant-dernière semaine d’août, comme en 2023.
À l’issue de la campagne, les rendements sont faibles et hétérogènes selon les parcelles, en fonction de la nature des sols et de leur capacité à se ressuyer. Par ailleurs, la qualité des grains est souvent inférieure aux standards. Le poids spécifique des grains de blé varie entre 70 et 76 kg par hectolitre (définitions). Il est nettement inférieur aux attentes, ce qui impacte le prix de vente des récoltes. Le poids spécifique des grains d’orge se situe entre 60 et 65 kg par hectolitre, reflétant également des conditions défavorables. La teneur en protéines du blé est décevante, pénalisée par les pluies et le froid en juin, en fin de cycle. Enfin, le développement d’adventices, comme le ray-grass et le liseron, ont également affecté la qualité des récoltes, particulièrement en Ille-et-Vilaine.

Encadré 1 - Les prix des céréales récoltées en 2023 redescendent

En moyenne sur la campagne (juillet 2023 à juin 2024), les prix payés aux producteurs bretons des céréales récoltées en 2023 s’affichent très inférieurs à ceux de la campagne précédente (figure 4). La récolte mondiale record de céréales en 2023 et la forte compétitivité des grains russes exercent une pression à la baisse des prix. En Bretagne, le blé tendre récolté en 2023 s’est ainsi vendu en moyenne 189 euros la tonne pendant la campagne 2023-2024, l’orge 174 euros la tonne et le triticale 164 euros la tonne. Par rapport à la campagne 2022-2023, ces prix chutent de 28 % pour le blé, 30 % pour l’orge et de 34 % pour le triticale. Ces prix restent cependant proches des moyennes quinquennales, avec respectivement – 3 %, – 2 % et – 8 %.

Figure 4 - Des prix de campagne en repli

Prix des céréales en Bretagne par campagne (prix au 30 juin) | Source : Agreste, Draaf Bretagne - FranceAgriMer

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Figure 4 - Des prix de campagne en repli
CultureBlé tendre Orge Triticale
2018-19 169 154 157
2019-20 151 134 135
2020-21 177 155 159
2021-22 211 194 192
2022-23 264 248 248
2023-24 189 174 164

Encadré 2 - Baisse des récoltes en France de céréales à paille, d’oléagineux et de protéagineux

En 2024, la production française globale de céréales à paille se replie de 25 % par rapport à 2023 et de 24 % par rapport à la moyenne 2019-2023. C’est l’une des plus faibles récoltes des 40 dernières années. La forte baisse annuelle résulte à la fois de la diminution des surfaces (– 9 %) et de la faiblesse des rendements (– 18 %). La surface augmente toutefois pour l’orge de printemps, compensant presque le recul de surface de l’orge d’hiver. La baisse de production touche également les oléagineux (– 10 %), mais moins fortement que pour les céréales à paille, grâce à un bon démarrage à l’automne. Leur surface perd 4 % sur celle de 2023, et leur rendement 6 %. Le repli de la production en protéagineux est de même ampleur que celui des céréales à paille (– 24 %), avec un recul de 15 % pour les surfaces et de 10 % pour les rendements.
Concernant la qualité des cultures, les teneurs en protéines et les poids spécifiques du blé tendre sont très irréguliers sur le territoire. Pour l’orge d’hiver, les teneurs en protéines sont variables mais devraient répondre aux attentes, tandis que les poids spécifiques sont faibles pour l’orge d’hiver, comme pour l’orge de printemps. La qualité de la récolte de colza est en revanche tout à fait correcte. De même, la récolte en protéagineux est riche en protéines.

Après des niveaux record atteints en France en avril et mai 2022 pour le blé, l’orge et le colza, les prix des céréales et des oléagineux redescendent assez régulièrement depuis (figure 5). En 2024, la perspective d’une nouvelle récolte record au niveau mondial continue de faire reculer les prix, malgré une baisse de la production européenne. En France, les prix des céréales et des oléagineux diminuent ainsi dans un contexte de vive concurrence des grains en provenance de la Mer Noire.

Figure 5 - Retour des prix à la normale

Cotations mensuelles pour le blé tendre, l’orge et le colza de juillet 2019 à septembre 2024 | Source : FranceAgriMer - La Dépêche

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Figure 5 - Retour des prix à la normale
Cotations mensuellesBlé tendre rendu RouenOrge rendu RouenColza rendu Rouen
juil-19 170 157 364
août-19 164 153 373
sept-19 162 150 385
oct-19 172 162 384
nov-19 176 161 390
déc-19 180 162 399
janv-20 189 163 404
févr-20 188 163 390
mars-20 181 157 376
avr-20 192 155 362
mai-20 188 152 359
juin-20 178 154 362
juil-20 185 164 375
août-20 182 164 380
sept-20 188 170 385
oct-20 201 186 389
nov-20 208 196 414
déc-20 205 192 412
janv-21 224 210 439
févr-21 226 210 464
mars-21 221 204 515
avr-21 216 196 499
mai-21 225 211 534
juin-21 209 207 519
juil-21 208 200 534
août-21 244 226 558
sept-21 248 227 604
oct-21 270 246 669
nov-21 292 266 696
déc-21 281 257 683
janv-22 271 253 734
févr-22 271 259 727
mars-22 379 371 910
avr-22 387 374 1 009
mai-22 402 377 837
juin-22 383 339 744
juil-22 346 300 652
août-22 330 292 629
sept-22 334 301 599
oct-22 344 305 627
nov-22 325 291 617
déc-22 305 274 573
janv-23 291 267 549
févr-23 284 268 541
mars-23 259 258 471
avr-23 242 229 427
mai-23 222 208 416
juin-23 231 214 427
juil-23 235 219 471
août-23 227 209 453
sept-23 228 213 458
oct-23 230 210 437
nov-23 222 199 438
déc-23 218 198 428
janv-24 212 190 423
févr-24 199 177 414
mars-24 183 171 434
avr-24 195 183 447
mai-24 226 206 476
juin-24 230 196 457
juil-24 219 190 479
août-24 208 179 462
sept-24 206 185 470

Définitions

  • Céréales à paille : blé tendre, orge, triticale, avoine et seigle sont les principales céréales à paille cultivées en Bretagne
  • Portance : capacité d’un sol à supporter une charge, ici le bétail ou les engins agricoles
  • Stade épiaison : un des stades de croissance des graminées, correspondant à l’apparition de l’épi hors de la gaine de la dernière feuille
  • Poids spécifique (PS) : mesure de la masse des grains dans un volume donné, exprimée en kilogramme par hectolitre. Cette mesure dépend de la densité des grains et de leur agencement entre eux (donc de l’espace entre les grains lors de la mesure). Les orges, avec des grains vêtus, ont un PS inférieur à celui du blé tendre. Les contrats commerciaux du blé tendre exigent classiquement un poids spécifique d’au moins 76 kg par hectolitre. (Source : Arvalis)

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