Revenus des ménages agricoles - Les agricultrices plus souvent sous le seuil de pauvreté

Les femmes qui dirigent une exploitation agricole ont un niveau de vie médian de 1900 euros par mois, assez proche de celui des chefs d’exploitation masculins. En revanche, elles et leur ménage vivent plus souvent sous le seuil de pauvreté (16 % contre 13 % quand le chef d’exploitation est un homme). La pauvreté atteint même parfois 40 % de la population quand l’exploitante pourvoit seule aux revenus du ménage. En comparaison aux hommes chefs d’exploitation, leurs bénéfices agricoles contribuent moins aux revenus du ménage. Par ailleurs, comme dans l’ensemble de la population agricole, de fortes disparités de revenus existent. Les ménages les plus favorisés ont des revenus moyens dix fois supérieurs à ceux des moins favorisés. Les disparités sont notamment importantes dans la filière porcine, qui procure également les revenus les plus élevés.

Un niveau de vie assez proche de celui des chefs d’exploitation masculins, mais plus de pauvreté

En Bretagne, 19 % des exploitations agricoles ont une femme à leur tête en 2020. Dans ces exploitations, quatre fois sur cinq tous les exploitants et coexploitants sont des femmes. Elles sont rattachées à 5000 ménages dans la région, qui rassemblent 14 400 personnes. Le niveau de vie médian de ces cheffes d’exploitations et de leur ménage est un peu plus faible que celui des chefs d’exploitation (1 900 euros mensuels contre 1 975 euros, soit 4 % d’écart, figure 1, définitions). Cependant, elles sont plus souvent touchées par la pauvreté : 16 % des ménages des cheffes d’exploitations contre 13 % des ménages d’un chef d’exploitation masculin (11 % pour tous les ménages bretons, qui ont un niveau de vie médian de 1 870 euros).

Figure 1 - 1900 euros par mois pour les exploitantes agricolesPrincipaux indicateurs de revenus et de pauvreté en Bretagne en 2020

Indicateurs

Ménages des femmes cheffes d’exploitation

Ménages des hommes chefs d’exploitation

Ensemble des ménages

Niveau de vie médian (en euros par mois) 1 900 1 975 1 958
Taux de pauvreté monetaire (en %) 16,3 13,3 13,8
Niveau de vie - 1er décile (en euros par mois) 908 1 000 975
Niveau de vie - 9e décile (en euros par mois) 3 592 3 575 3 550
Contribution des bénéfices agricoles (en %) 43 49 48

Champ : ménages fiscaux recevant des revenus agricoles d’une exploitation bretonne
Sources : Agreste, Recensement agricole 2020 ; DGFiP ; Insee-DGFiP-Cnaf-Cnav-CCMSA, Fichier localisé social et fiscal (Filosofi) 2020

Une pauvreté qui s’aggrave quand l’exploitante pourvoit seule aux revenus du ménage

Dans un ménage agricole, l’exploitante peut être la seule source de revenus du ménage (femmes vivant seules, familles monoparentales, conjoint ne percevant aucun revenu, etc.). Ces ménages sont particulièrement touchés par la pauvreté : 40 % d’entre eux ont un niveau de vie inférieur au seuil de pauvreté (1 128 euros par mois en 2020, figure 2). Ils sont au nombre de 750 en Bretagne et rassemblent 1 000 personnes, soit des ménages plus petits. La pauvreté est moins fréquente (13 %) lorsqu’il y a au moins une personne non exploitante qui pourvoit aux ressources du ménage en plus de la cheffe d’exploitation. Les chefs d’exploitations masculins seuls pourvoyeurs de revenus sont moins touchés (29 % vivent sous le seuil de pauvreté). Les cheffes d’exploitation pourvoyant seules aux ressources du ménage tirent seulement 44 % de leurs revenus des bénéfices agricoles (alors que les hommes dans la même situation en tirent 70 % avec un niveau de vie plus élevé).

Figure 2 - 40 % de pauvreté quand l’exploitante est la seule source de revenus du ménage

Taux de pauvreté des personnes d’un ménage agricole selon le profil du pourvoyeur de ressources

Taux de pauvreté des personnes d’un ménage agricole selon le profil du pourvoyeur de ressources
Lecture : 40 % individus vivant dans le ménage d’une femme cheffe d’exploitation pourvoyant seule aux ressources du ménages vivent sous le seuil de pauvreté en 2020.
Champ : ménages fiscaux recevant des revenus agricoles d’une exploitation bretonne | Source : Agreste, Recensement agricole 2020 ; DGFIP ; Insee-DGFiP-Cnaf-Cnav-CCMSA, Fichier localisé social et fiscal (Filosofi) 2020

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Figure 2 - 40 % de pauvreté quand l’exploitante est la seule source de revenus du ménage
Profil des pourvoyeurs de ressources du menage Cheffe d'exploitation (F) Chef d'exploitation (H)
1 - Un exploitant agricole seul 40.2 29.2
2 - Plusieurs personnes. tous exploitants agricoles 18.1 19.6
3 - Au moins une personne non exploitant 13.2 10.7

Les revenus du ménage dépendent moins de l’activité agricole

Les revenus disponibles des ménages des femmes cheffes d’exploitation sont en moyenne plus faibles que ceux des ménages dont l’homme est le chef d’exploitation (4 200 euros par mois contre 4 400 euros par mois, définitions). Les bénéfices agricoles contribuent moins aux revenus de ces ménages. Les femmes cheffes d’exploitation tirent de l’exploitation en moyenne 1 800 euros par mois contre 2 200 euros pour les hommes (43 % des revenus disponibles contre 49 %). Les ménages des exploitantes dépendent en revanche plus des pensions et retraites (15 % des revenus disponibles contre 7 %). L’âge moyen des exploitantes est en effet, légèrement supérieur (1,5 ans), et elles deviennent cheffes d’exploitation plus tardivement (parfois lorsque le conjoint part à la retraite). La part des autres revenus d’activité (salaires et indemnités chômage), des revenus du patrimoine et des prestations sociales et des impôts sont proches en revanche (figure 3).

Figure 3 - Une contribution plus élevée des pensions et retraite

Décomposition de revenu disponible des ménages agricoles bretons en 2020

Décomposition de revenu disponible des ménages agricoles bretons en 2020
Lecture : les ménages des exploitantes agricoles ont perçu en moyenne 1 799 euros par mois de revenus agricoles en 2020, 1 520 euros d’autres revenus d’activité.
Champ : ménages fiscaux recevant des revenus agricoles d’une exploitation bretonne | Source : Agreste, Recensement agricole 2020 ; DGFIP ; Insee-DGFiP-Cnaf-Cnav-CCMSA, Fichier localisé social et fiscal (Filosofi) 2020

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Figure 3 - Une contribution plus élevée des pensions et retraites
Contributions au revenu disponibleRevenu disponibleBénéfices agricolesSalaires et autres revenus d'activité (yc indemnités chômage)Pensions-retraites-rentesRevenus du patrimoine et autres revenusPrestations sociales reçuesImpots directs
Ménages des femmes cheffes d'exploitation 4 162 1 799 1 520 636 716 172 -681
Ménages des hommes chefs d'exploitation 4 440 2 188 1 736 311 776 186 -757
Ensemble des ménages agricoles 4 357 2 071 1 701 373 762 183 -733

De fortes disparités de revenus aussi parmi les cheffes d’exploitation

Les écarts de revenus sont très importants entre les ménages des cheffes d’exploitation, plus importants même que dans la population bretonne dans son ensemble. Les 10 % les plus aisés se démarquent par des revenus disponibles bien plus élevés (10 300 euros par mois en moyenne contre 6 000 euros pour la catégorie immédiatement inférieure, figure 4). Pour les plus aisés, les revenus agricoles atteignent 6 300 euros en moyenne, soit 61 % du revenu disponible. La part des revenus du patrimoine est bien plus importante également (26 %). Les 10 % les moins aisés se démarquent aussi avec des revenus disponibles bien plus bas (1 000 euros par mois en moyenne pour le ménage), avec des bénéfices agricoles quasiment nuls (1 % du revenu disponible) et une part des salaires et prestations sociales très élevée (71 %). Autrement dit, ces ménages agricoles dépendent exclusivement de revenus extérieurs à l’agriculture.

Figure 4 - Des écarts importants entre les ménages des exploitantes les plus aisées et les autres

Décomposition moyenne des revenus disponible des ménages d’exploitantes selon le niveau de vie en 2020

Décomposition moyenne des revenus disponible des ménages d’exploitantes selon le niveau de vie en 2020
Lecture : les 10 % de la population des ménages d’exploitantes ayant le niveau de vie le plus élevé ont perçu par mois en moyenne 12 733 euros de revenus et acquitté 2 383 euros d’impôts directs, soit un revenu disponible de 10 342 euros mensuels.
Champ : ménages fiscaux recevant des revenus agricoles d’une exploitation bretonne | Source : Agreste, Recensement agricole 2020 ; DGFIP ; Insee-DGFiP-Cnaf-Cnav-CCMSA, Fichier localisé social et fiscal (Filosofi) 2020

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Figure 4 - Des écarts importants entre les ménages les plus aisés et les autres
Dixième de niveau de vieBénéfices agricolesSalaires et autres revenus d'activité (yc indemnités de chômage)Pensions-retraites-rentesRevenus du patrimoine et autres revenusPrestations sociales reçuesImpots directs
D 1 8 450 275 142 275 -133
D 2 508 700 350 258 308 -175
D 3 717 1 067 508 267 258 -225
D 4 917 1 217 600 392 208 -308
D 5 1 158 1 392 683 400 158 -400
D 6 1 533 1 542 667 508 150 -500
D 7 1 733 1 775 750 625 117 -658
D 8 2 242 1 967 750 825 108 -875
D 9 2 875 2 300 825 1 092 83 -1 158
D10 6 300 2 783 950 2 650 50 -2 383

Revenus les plus élevés et les plus dispersés dans la filière porcine

Les exploitations spécialisées dans l’élevage porcin ayant une femme comme cheffe d’exploitation procurent les revenus les plus élevés : 2 700 euros par mois de niveau de vie contre 1 900 euros pour l’ensemble des exploitations avec une femme à leur tête (figure 5). C’est même un peu plus que les éleveurs spécialisés en porcins. Viennent ensuite les cheffes d’exploitation spécialisées dans les céréales et oléoprotéagineux et l’élevage de volaille (2 100 euros par mois). Les exploitations les moins favorisées sont spécialisées en ovins-caprins et en horticulture (1 500 euros par mois). Les écarts de revenus les plus importants se retrouvent également chez les éleveuses porcines avec un écart de niveau de vie de 4 700 euros entre le niveau minimal des 10 % les plus aisées et le niveau maximal des 10 % les moins aisées (soit un rapport inter-décile de 4,8). Les écarts sont relativement élevés également parmi les exploitantes spécialisées dans la culture de légumes que ce soit en culture de plein champ (autres grandes culture) ou en maraîchage. C’est également pour cette spécialisation légumes que les écarts de niveau de vie entre chefs et cheffes d’exploitation sont les plus élevés (2 100 euros pour les hommes, 1 600 euros pour les femmes). Dans les filières d’élevage, les niveaux de vie sont proches (100 euros d’écart ou moins) sauf dans la spécialisation ovins-caprins (200 euros d’écart).

Figure 5 - De grands écarts de revenus chez les éleveuses de porcins

Taux de pauvreté des personnes d’un ménage agricole selon le profil du pourvoyeur de ressources

Figure 5 - De grands écarts de revenus chez les éleveuses de porcins - voir la transcription ci-dessous
Figure 5 - De grands écarts de revenus chez les éleveuses de porcins | Sources : Agreste, Recensement agricole 2020 ; DGFiP ; Insee-DGFiP-Cnaf-Cnav-CCMSA, Fichier localisé social et fiscal (Filosofi) 2020

Distribution des revenus au sein des différentes spécialisations agricoles en Bretagne en 2020
Lecture : 10 % des personnes vivant dans le ménage d’une exploitante spécialisée dans l’élevage porcin ont un niveau de vie inférieur à 1 235 euros par mois, 25 % un niveau de vie inférieur à 1 770 euros par mois, la moitié un niveau de vie inférieur à 2 696 euros par mois, 25 % un niveau de vie supérieur à 4 085 euros par mois et 10 % un niveau de vie supérieur à 5902 euros par mois.
Champ : ménages fiscaux recevant des revenus agricoles d’une exploitation bretonne dirigée par une femme (hors spécialisations fruits, bovins mixte, viticulture et exploitations non classées)

Lecture : 10 % des personnes vivant dans le ménage d’une exploitante spécialisée dans l’élevage porcin ont un niveau de vie inférieur à 1 235 euros par mois, 25 % un niveau de vie inférieur à 1 770 euros par mois, la moitié un niveau de vie inférieur à 2 696 euros par mois, 25 % un niveau de vie supérieur à 4 085 euros par mois et 10 % un niveau de vie supérieur à 5902 euros par mois.
Champ : ménages fiscaux recevant des revenus agricoles d’une exploitation bretonne dirigée par une femme (hors spécialisations fruits, bovins mixte, viticulture et exploitations non classées)

Pour en savoir plus

 Givois S., La pauvreté monétaire, moins fréquente en présence de non-exploitants, Agreste Primeur n°2024-1, février 2024
 Goutard L., Portrait des femmes dans l’agriculture bretonne les femmes dans l’agriculture, Agreste Études Bretagne n°2023-1, mai 2023

Sources et champ

Les résultats présentés dans cette étude s’appuient sur les données du recensement agricole 2020. Celles-ci ont été enrichies avec les données fiscales de la DGFiP et le Fichier localisé social et fiscal (Filosofi) construit par l’Insee à partir de différentes sources de données, portant sur l’année 2020.
Le champ de l’étude est restreint aux ménages fiscaux des femmes cheffes d’exploitation, dont le siège d’exploitation est situé en Bretagne, soit 5 011 ménages fiscaux. L’appariement n’ayant pu être réalisé pour toutes les exploitations, ces ménages ne sont en fait rattachés qu’à 91 % des exploitations bretonnes dont le chef est une femme (5 017 exploitations). Les résultats sont présentés pour les ménages dont le revenu disponible est positif ou nul en 2020 (pour pouvoir comparer avec les publications sur le même thème).

Définitions

L’exploitant agricole désigne le chef d’exploitation et l’ensemble des coexploitants qui travaillent sur l’exploitation. Le chef d’exploitation est la personne physique qui assure la gestion courante et quotidienne de l’exploitation. Pour les formes sociétaires, il s’agit de la personne assumant la plus grande part de responsabilité.
Le revenu des exploitants est ici identifié par les bénéfices, ou déficits agricoles déclarés à l’administration fiscale pour le calcul de l’impôt sur le revenu.
Les ménages dans cette étude sont à entendre au sens fiscal, c’est-à-dire les ménages constitués par le regroupement des foyers fiscaux répertoriés dans un même logement. Un ménage est dit agricole lorsqu’au moins un de ses membres est exploitant au sein d’une exploitation répertoriée dans le recensement agricole 2020.
Le revenu disponible comprend les revenus d’activité (salariée ou non) nets des cotisations sociales, les indemnités de chômage, les retraites et pensions, les revenus du patrimoine (fonciers et financiers) et les autres prestations sociales perçues, nets des impôts directs. Ces derniers sont constitués de l’impôt sur le revenu, de la taxe d’habitation, de la contribution sociale généralisée (CSG), de la contribution au remboursement de la dette sociale (CRDS) et d’autres prélèvements sociaux sur les revenus du patrimoine. La taxe foncière n’est pas prise en compte dans le calcul du revenu disponible car elle constitue selon les cas un impôt sur le capital, ou une charge déjà déduite des revenus fonciers.
Le niveau de vie se mesure au niveau des individus, il est égal au revenu disponible du ménage divisé par le nombre d’unités de consommation (UC, avec par convention 1 UC pour la 1ère personne du ménage, 0,5 par personne de plus de 14 ans et 0,3 par personne plus jeune).
Le taux de pauvreté est la part des personnes qui ont un niveau de vie inférieur au seuil de pauvreté (60 % du niveau de vie médian national, soit 1128 euros par mois en 2020).

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