Agreste Études N°3 2021 - Comptes provisoires de l’agriculture 2020 - Légères baisses de la valeur de la production et de celle des intrants

En 2020, la valeur de la production de la branche agricole diminue légèrement en Bretagne, en raison principalement d’une baisse des prix de la plupart des produits animaux. Après s’être envolé l’an dernier, celui du porc régresse, en raison notamment des difficultés liées à la pandémie de Covid-19, avec la fermeture de la restauration hors domicile. Les prix du lait de vache, des gros bovins ou des veaux de boucherie diminuent également, mais plus faiblement. Celui des œufs de consommation chute, tandis que le cours des volailles s’améliore.
La progression des prix des produits végétaux permet d’atténuer la baisse de la valeur de la production globale, mais leurs volumes se réduisent. Dans le même temps, les charges de production des exploitations agricoles diminuent, grâce à des niveaux inférieurs à ceux de 2019 en matière de prix de l’énergie, de volumes consommés en engrais et amendements, ainsi qu’en aliments achetés. Au bilan, la valeur ajoutée de la branche agricole bretonne faiblit, la diminution de la valeur de la production l’emportant sur celle des consommations intermédiaires.

En France, selon les résultats provisoires des comptes 2020, la valeur de la production de la branche agricole, hors subventions sur les produits, se réduit pour la deuxième année de suite (– 1,9 %). « Activité de première ligne », l’agriculture est moins affectée par la crise sanitaire de la Covid-19 que les autres activités économiques. La valeur agricole diminue pour les produits végétaux (– 2,4 %), comme pour les produits animaux (– 0,9 %), mais le recul est plus modéré que dans les autres secteurs. Les conditions météorologiques de la campagne affectent la production végétale de 2020, notamment celle de céréales, dont le rebondissement des prix induit par la fermeté de la demande internationale, ne compense pas la chute des volumes due à la sécheresse. Cependant, la valeur de la production végétale augmente dans quatre régions : Corse, Bourgogne-Franche-Comté, Bretagne et Auvergne-Rhône-Alpes. La diminution de la valeur des produits animaux en France est plus contenue que celle des produits végétaux. Elle concerne six régions, dont la Bretagne. Globalement, la valeur de la production agricole régresse pour l’ensemble des régions, exceptées Corse et Bourgogne-Franche-Comté. Pour quatre régions (Bretagne, Occitanie, Provence-Alpes-Côte d’Azur et Corse), 2020 est toutefois l’une des deux années de plus forte production sur la période 2016-2020.

Parallèlement, la valeur des consommations intermédiaires diminue en France (– 2 %), après deux années de hausse. La baisse concerne l’ensemble des régions, sous l’effet de deux facteurs principaux : le recul du prix de l’énergie et la réduction en volume des consommations d’engrais et amendements. Malgré cette diminution de charges, la valeur ajoutée brute de la branche agricole de l’Hexagone se replie, compte tenu du recul de la valeur de la production. À l’instar de la production, la valeur ajoutée brute se réduit dans l’ensemble des régions, exceptée la Corse, grâce aux bons résultats de la viticulture et des agrumes, et Bourgogne-Franche-Comté, après une année 2019 difficile. Les baisses de la valeur ajoutée brute les plus importantes s’observent dans les régions du nord durement touchées par la sécheresse au printemps. Compte tenu des évolutions des différents postes (production, consommations intermédiaires, subventions, impôts), la valeur ajoutée brute au coût des facteurs (VABCF) 1, rapportée au nombre d’actifs, recule en France, comme dans l’ensemble des régions, exceptées Corse et Bourgogne-Franche-Comté.

En Bretagne, la valeur de la production de la branche agricole, hors subventions, diminue de 0,9 % en 2020, pour atteindre 8,9 milliards d’euros. La baisse s’explique par celle des produits animaux, malgré l’amélioration en produits végétaux.

Augmentation des prix des produits végétaux

En 2020, la valeur des produits végétaux progresse de 3,0 % en Bretagne, portée par les prix,

malgré une baisse des volumes. En France, au contraire, elle recule de 2,4 %, en raison notamment du repli des volumes de céréales lié aux mauvaises conditions climatiques (hiver pluvieux sans gel occasionnant un retard des semis et le développement de certains parasites, printemps très sec et chaud). La valeur de la production viticole nationale se réduit également, du fait de prix orientés à la baisse, suite aux difficultés de commercialisation consécutives à la crise sanitaire et à la fermeture des restaurants.
Comparée à la moyenne quinquennale, la valeur bretonne des produits végétaux progresse de 8,2 % (+ 0,2 % pour l’Hexagone). Globalement, les prix excèdent de 11,4 % ceux de 2019, alors que les volumes se réduisent de 7,5 %. La valeur des céréales s’accroît de 8,5 % en un an. Avec des conditions météorologiques défavorables de l’automne 2019 jusqu’à l’été 2020, impactant les surfaces et les rendements des grandes cultures, la production de céréales fléchit de 10 % en volume. Cependant, leur prix rebondit (+ 20 %), dans un contexte de demande mondiale renforcée par les achats de précaution des pays importateurs liés à la pandémie de Covid-19, et de retour de la Chine sur le marché mondial du maïs. Parmi les postes ayant un effet positif sur la VABCF bretonne, celui des céréales explique le quart de l’amélioration (Cf. tableau 2). De même, la valeur des légumes progresse (+ 5,2 %), expliquant 12 % de l’amélioration de la VABCF. Avec un volume global inférieur à celui de 2019, ce poste bénéficie d’une bonne tenue des prix grâce notamment à l’augmentation de la consommation à domicile lors du premier confinement. Les prix progressent en particulier en tomates, artichauts et échalotes, face à des volumes réduits. Concernant les pommes de terre, leur valeur s’accroît de 4,4 %, du fait d’une hausse des prix, avec des volumes stables.

Baisse des prix des produits animaux

En 2020, la valeur de la production animale bretonne se réduit un peu plus qu’au niveau national (– 2,1 % contre – 0,9 %), en raison de l’importance relative du poste porc en Bretagne, en dégradation cette année. Comparée à la moyenne quinquennale, la valeur de la production animale progresse toutefois pour la région (+ 3,4 %) comme pour l’Hexagone (+ 2,4 %). Globalement, les prix en Bretagne sont inférieurs de 2,7 % à ceux de 2019, avec des volumes en légère hausse.

La réduction annuelle de la valeur animale concerne en premier lieu la production porcine. Après avoir bondi l’an dernier, grâce à l’explosion du cours du porc, liée à la propagation de la Peste porcine africaine (PPA) en Asie, sa valeur se réduit de 6,5 % en 2020, tout en dépassant de 6 % la moyenne quinquennale. Le recul annuel s’explique par le repli des prix dû aux difficultés liées à la pandémie (fermeture de la restauration hors domicile, RHD) et à l’apparition de la PPA en Allemagne en septembre, malgré des volumes soutenus par la demande chinoise. Ce poste participe à hauteur de 39 % à la dégradation de la VABCF bretonne.
La valeur de la production laitière faiblit de 1,5 % en un an, tout en dépassant de 6,8 % la valeur moyenne 2015-2019. Elle contribue à la régression annuelle de la VABCF à hauteur de 9 %. L’évolution est négative en prix et plus légèrement en volumes. Impacté par le risque de déséquilibre entre l’offre et la demande de lait, et par la chute des cours des produits laitiers industriels au printemps, le prix du lait passe sous le niveau de 2019 à partir d’avril. Par ailleurs, un dispositif national de régulation de la production de lait mis en place en avril, dans un contexte de Covid-19 et de fermeture de la RHD, permet d’atténuer le pic de collecte saisonnier.
Concernant les bovins, la valeur produite en gros bovins diminue modérément par rapport à 2019 (– 1,5 %) et plus fortement par rapport à la moyenne quinquennale (– 5,1 %). Malgré des volumes légèrement inférieurs à ceux de 2019, les prix faiblissent également globalement. Si le prix des vaches laitières s’améliore un peu, celui des jeunes bovins recule sur un marché encombré. En 2020, la filière veaux de boucherie subit de plein fouet la crise sanitaire. La valeur produite recule de 4,2 % en un an (– 9,6 % comparée à la moyenne 2015-2019), du fait d’une baisse des prix et surtout des volumes, suite à la perte d’un des principaux débouchés de la viande de veau, à savoir la RHD.
En aviculture, à l’inverse des autres produits animaux, la valeur produite en volailles progresse (+ 3,2 %), grâce aux prix, les volumes étant stables. Avec la fermeture de la RHD et les perturbations à l’export, les filières poulet et dinde bénéficient d’un report partiel de la consommation hors foyer vers celle à domicile. La valeur de la production d’œufs de consommation se stabilise sur celle de 2019 : leurs volumes augmentent, retrouvant un niveau plus habituel, tandis que leurs prix poursuivent leur repli, malgré un premier semestre favorisé par la consommation à domicile.

Léger recul de la valeur des intrants

Après trois années de hausse, la facture relative aux consommations intermédiaires faiblit de 0,6 % en Bretagne, soit un peu moins qu’au niveau national (– 2 %). La diminution du prix de l’énergie, lié au ralentissement de l’activité mondiale, et la moindre consommation d’engrais et d’amendements favorisent cette baisse. Le recul de la facture énergétique contribue à l’amélioration de la VABCF de la région à hauteur d’un quart. Même modérée, la réduction de la valeur des aliments achetés (– 0,9 %) liée à celle des volumes, participe également à la diminution des charges, compte tenu de l’importance de la valeur des aliments achetés pour animaux dans les consommations intermédiaires en Bretagne (41 %, contre 18 % en France). L’achat d’aliments joue ainsi positivement sur la VABCF, à hauteur de 10 %. Parallèlement, le prix des aliments intraconsommés, produits directement dans les exploitations, progresse. Par ailleurs, les prix des produits phytosanitaires se révèlent inférieurs à ceux de 2019.

La diminution des aides versées aux agriculteurs se poursuit

En 2020, selon les premières estimations, le montant total des aides directes versées aux agriculteurs reculerait de 6,7 % en Bretagne, à 471 M€ (– 5 % au niveau national), en raison principalement de la transformation du CICE (crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi) en un allègement de cotisations patronales. Comparé à la moyenne quinquennale, le repli atteindrait – 11 % pour la région, contre – 5 % en France.
Le montant des aides couplées, représentant 8,7 % du total des subventions bretonnes, diminuerait légèrement, tout comme à l’échelon national. Il s’agit principalement d’aides aux bovins laitiers et aux bovins allaitants (respectivement 22 M€ et 16 M€ en Bretagne).
Les aides découplées dues au titre de l’exercice 2020 atteindraient 430 M€, en recul de 7,1 % (– 5,4 % en France). Ces subventions d’exploitation sont composées principalement des paiements découplés du premier pilier, en baisse globalement de 1,9 % en 2020 en Bretagne, à 380 M€. Ils comprennent pour 49 % le paiement de base, pour 34 % le paiement vert, conditionné au respect de pratiques favorables à l’environnement, pour 15 % le paiement redistributif (aide aux 52 premiers ha) et pour 2 % le paiement aux jeunes agriculteurs. Le recul annuel varie entre – 1 % et – 2 % pour les trois premières catégories, et atteint – 21 % pour les dotations aux jeunes agriculteurs.
Au niveau national, le mouvement de convergence interne programmé entre 2015 et 2019 est terminé. On n’observe plus de transfert des régions à dominante céréalière de la moitié nord de la France, qui avaient historiquement des aides à l’hectare plus élevées, vers les régions méridionales. Entre deux programmations des aides de la PAC (2015-2019 et 2023-2027), l’année 2020 constitue une année de transition.

La valeur ajoutée brute se réduit

Après avoir progressé de 13 % en 2019, la valeur ajoutée brute de la région diminue de 1,6 % en 2020, en raison d’une baisse de la valeur des intrants plus faible que celle de la production. Le recul de cet indicateur est de même ampleur au niveau national.
En tenant compte des subventions d’exploitation, en repli, et des impôts, en hausse négligeable, la valeur ajoutée brute au coût des facteurs (VABCF)régresse de 2,5 % en Bretagne, comme en France.
Rapportée au nombre d’actifs (unités de travail annuel totales), en léger recul, la VABCF perd 4,3 % en Bretagne sur celle de 2019 et décroît de 6,1 % en France.

Méthodologie

Les comptes macro-économiques de l’agriculture sont une opération de comptabilité nationale, menée conjointement par l’Insee au niveau national et par le SSP (Service de la statistique et de la prospective) du ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation, au niveau régional, avec l’aide des services régionaux de l’information statistique et économique (Srise). Ces comptes suivent des règles définies au niveau international et sont obligatoirement transmis chaque année à Eurostat. Ils portent sur le champ de la branche agricole, qui comprend l’ensemble des exploitations agricoles, ainsi que les entreprises de travaux agricoles, les Coopératives d’Utilisation du Matériel en Commun (Cuma), les coopératives viticoles et les centres d’insémination artificielle.
Les comptes régionaux macro-économiques sont établis en trois versions : provisoire, semi-définitive et définitive. La diffusion est faite une fois par an, en juillet, à l’issue de la CCAN (Commission des Comptes de l’Agriculture de la Nation) : comptes provisoires N-1, semi-définitifs N-2 et définitifs N-3.

Parallèlement, aidé par les Srise et les centres comptables départementaux, le SSP réalise annuellement l’enquête du Réseau d’information comptable agricole (Rica), qui collecte, pour chaque région, des données comptables et technico-économiques détaillées auprès d’un échantillon d’exploitations agricoles. Cette enquête est réalisée dans les Etats membres de l’Union européenne selon des règles et des principes communs. Le champ est moins large que celui des comptes macro-économiques, puisqu’il porte uniquement sur les exploitations moyennes et grandes, c’est-à-dire celles dont la production brute standard dépasse 25 000 €.
Les résultats régionaux du Rica sont diffusés plus tard que les comptes macro-économiques : à partir de mars de l’année N pour l’exercice N-2.
L’indicateur de revenu régional privilégié, retenu par le SSP depuis la CCAN de juillet 2016, est le Résultat Courant Avant Impôt (RCAI) par actif non salarié (Utans), issu du Rica, calculé par orientation technico-économique de l’exploitation (Otex) et par région.

Pour en savoir plus
Sur le site de la Draaf Bretagne :
> Agreste Bretagne – Études - N°2 – Mai 2021 – « Bilan agricole 2020 en Bretagne – Des marchés agricoles diversement impactés par la crise sanitaire »
> Rubrique Données économiques :
http://draaf.bretagne.agriculture.gouv.fr/Comptes-de-l-agriculture-revenus

Sur le site Agreste :
Rapport de la commission des comptes de l’agriculture de la nation du 4 juin 2021 - « Le compte national provisoire, les comptes régionaux provisoires de l’agriculture en 2020 »

Chiffres-clés Bretagne 2020

La valeur de la production animale
 les deux tiers de la valeur totale de la production agricole régionale ;
 22 % de la valeur de la production animale française ;
 1er rang des régions françaises pour cette valeur.

La valeur de la production végétale
 26 % de la valeur totale de la production agricole régionale ;
 5 % de la valeur de la production végétale française ;
 11e rang des régions françaises pour cette valeur.

Notes et références

1VABCF = valeur ajoutée brute (production y compris subventions sur les produits - consommations intermédiaires) + subventions d’exploitation – impôts sur la production


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