Colloque Ecoantbio en Bretagne 2020 : retour sur la journée
Le vendredi 31 janvier dernier se tenait, dans les locaux de l’Ispaia, le deuxième colloque breton Écoantibio , organisé par la Draaf Bretagne et animé par Anne Leroux, vétérinaire à Zoopôle développement.
Le colloque a réuni près de 75 participants (vétérinaires, instituts techniques, coopératives, administration, etc.) sur une matinée. L’occasion de faire le lien entre médecine vétérinaire et médecine humaine, via la présentation d’un infectiologue sur le portage des germes résistants entre l’éleveur et l’animal, de faire le point sur les dernières données en termes d’exposition des animaux aux antibiotiques, et de permettre aux instituts techniques implantés sur le territoire breton de présenter leurs avancées en terme de lutte contre l’antibiorésistance, en prenant en compte les aspects psycho-sociaux et économique de la réduction des usages des antibiotiques.
Retrouvez ci-dessous les supports des présentations des 11 intervenants, une synthèse des temps d’échanges avec le public, et des éléments de réponses aux questions posées à l’issue du colloque.
Pour toute question ou demande d’information, vous pouvez contacter le SRAL :
Introduction
Mise en perspective des dernières données d’usage des antibiotiques et de surveillance de l’antibiorésistance
Claire Chauvin – Anses
https://www.anses.fr/fr/content/suivi-des-ventes-dantibiotiques-v%C3%A9t%C3%A9rinaires
Portage de bactéries multi-résistantes chez les éleveurs et leurs animaux
Emmanuel Piednoir– CPias
https://cpiasbretagne.chu-rennes.fr/CPias-Bretagne/pages/CPiasBretagne-ATB_donnees_regionales.php
1ère partie : apport des sciences sociales pour l’accompagnement de la réduction des usages d’antibiotiques
Sociologie des usages d’antibiotiques en élevage
Mathilde Paul – ENVT /Inra
http://www.envt.fr/content/mathilde-paul
Réduire les antibiotiques en production avicole et cunicole : des outils diversifiés pour mieux accompagner
Nathalie Rousset – Itavi
Réduire les antibiotiques en production laitière : l’intérêt de se former et d’être accompagné (projet RedAB)
Marylise Le Guénic – Crab
http://www.chambres-agriculture-bretagne.fr/synagri/reduction-de-l-usage-des-antibiotiques
Temps d’échanges avec le public sur cette 1ère partie
La présentation du Dr Emmanuel PIEDNOIR a montré qu’un temps de contact de seulement 20 h/ semaine était suffisant pour augmenter le risque de portage de germes. C’est très peu, qu’est-ce qui peut être fait pour limiter le portage des animaux vers l’éleveur, quelles sont les recommandations ?
La prévalence de SARM (Staphylocoque doré résistant à la méticilline) a diminué en milieu hospitalier en raison d’un travail important sur les règles d’hygiène. Cela peut-être plus difficile à mettre en place en élevage qu’en milieu hospitalier, néanmoins, le respect des règles d’hygiène est essentiel, et rejoint par ailleurs les problématiques de biosécurité. En effet, le respect de règles d’hygiène telles que le lavage des mains, le port de tenues spécifiques permet non seulement de prévenir les contaminations de l’éleveur par ses animaux, mais également des animaux par l’éleveur (exemple : mammites causées par SRAM).
Dans les pays nordiques, il y a, à l’hôpital, une prise en charge spécifique des éleveurs par rapport au SRAM. Est-ce le cas en France ?
Non, il n’y a pas de prise en charge spécifique, néanmoins, il peut y avoir une vigilance particulière. Dans les pays du Nord de l’Europe, il existe une procédure d’isolement, avec un dépistage avant sa levée, qui n’existe pas en France pour des raisons culturelles.
Quelle a été la durée d’accompagnement dans le projet RedAB ? Quel peut être l’effet de la saisonnalité ?
Les enquêtes ont pris en compte l’effet saison, même s’il aurait été souhaitable d’avoir un suivi sur 2 ans, 3 ans. Les dispositifs CASDAR ne le permettent pas, mais ce paramètre a été pris en compte au mieux.
2e partie : impacts économiques de la réduction de l’utilisation des antibiotiques
Utilisation des antibiotiques, santé et performances technico-économiques en élevage de porcs
Anne Hemonic – Ifip
Évolutions des IFTA et performances technico-économiques en filière volailles
Camille Lalaurette – Itavi
Temps d’échanges avec le public sur cette 2e partie
Est-ce une augmentation de la vaccination en filière cunicole qui a permis d’obtenir une baisse de l’usage des antibiotiques ?
Non, les couvertures vaccinales n’ont pas évolué, le nouveau virus VHD, apparu suite à une mutation depuis 2015) a eu un impact en engraissement, or le vaccin en place était fait sur les lapines. Il y a donc eu plus de vaccins depuis l’apparition du VHD, mais ce paramètre n’a pas été pris en compte dans le calcul des IFTA, puisque le virus ne nécessite pas l’utilisation d’antibiotiques.
3e partie : nouveautés et projets multi-filières
Enseignements du projet Cabale
Mélanie Liber – GTV
DISARM : gestion de la résistance aux antibiotiques par la mise en place de plans de santé multi-acteurs en élevages et d’une communauté de pratiques
Anne-Christine Lefort – Itavi
https://disarmproject.eu/fr/about-us/project-facilitators/itavi/
EVEL’UP : Témoignage vidéo d’un binôme vétérinaire-éleveur sur l’audit biosécurité en filière porc (réalisation Ifip)
Claudio Trombani et Anthony Damany – Ifip
https://www.ifip.asso.fr/fr/content/audits-de-la-bios%C3%A9curit%C3%A9-en-%C3%A9levage
https://porcprotect.ifip.asso.fr
Réseau des vétérinaires référents en antibiothérapie
Xavier Sauzéa – GTV
Temps d’échanges avec le public sur cette 3e partie
Combien d’audits biosécurité PorcProtect ont été réalisés à ce jour ?
Le travail a commencé en 2018, par une formation à l’outil par Isabelle CORREGE – IFIP, dans 3 ou 4 élevages, puis de 2018 à 2019 une quinzaine d’audits ont été renseignés dans la base PorcProtect.
Les résultats du projet Cabale posent question : faut-il prévoir une augmentation systématique des doses ? Arrêter les traitements biocides de l’eau ?
Non, augmenter la dose n’est pas recommandé, pas plus que l’arrêt du traitement de l’eau, qui permet de maintenir la qualité de l’eau de boisson des animaux. En effet, il est rappelé que celle-ci est distribuée à différentes parties de l’élevage. Il existe d’autre traitements de l’eau. L’électrolyse par exemple, a été testée par l’IFIP mais elle génère trop de chlore et de peroxyde qui ont des interactions négatives avec les antibiotiques. Il est important de bien se renseigner sur les qualités physico-chimiques de l’eau avant de l’utiliser comme support de traitement.
Il existe des inhibiteurs de chlore pour les vaccins administrés dans l’eau de boisson, existe-t-il la même chose pour les antibiotiques ?
C’est difficilement conseillable, car l’efficacité du biocide serait diminuée. Il faut être vigilant à l’effet apprenti sorcier ! A chaque traitement administré dans l’eau de boisson, il est important de rappeler les bonnes pratiques d’usage.
Quand la présence de biocides a un impact sur la concentration en amoxicilline, ou en céphalosporine, risque-t-on fortement un sous-dosage et donc l’apparition de résistance ?
En effet, l’objectif est de pouvoir faire évoluer les Autorisations de Mise sur le Marché (AMM), pour que les interactions avec les biocides soient testées, mais la problématique est complexe : ces interactions sont multifactorielles.
Clôture
Synthèse par Anne Le Roux
On peut se féliciter des bons résultats des deux volets du plan Écoantibio, rendus possibles par le suivi des recommandations et les évolutions règlementaires. Tout n’est pas facile pour autant : il faut maintenir les efforts : les mauvaises habitudes peuvent facilement revenir. L’information des jeunes éleveurs est un point clé, les bonnes pratiques doivent être connues et appliquées.
Conclusion par Françoise Chartier, cheffe du Service régional de l’alimentation
Le groupe de travail régional qui a permis de faire émerger les thématiques de ce colloque est remercié pour son travail. Il sera à nouveau réuni prochainement pour continuer d’avancer, au niveau régional, dans la lutte contre l’antibiorésistance, et un nouveau colloque sera proposé à l’issue du plan Écoantibio 2.
Questions laissées à l’issue du colloque par les participants
Dans un élevage où les bottes sont changées entre les secteurs, le lavage des bottes systématique est-il une bonne ou une mauvaise idée, au vu de l’affinité de certains pathogènes pour l’eau ?
recueil d’éléments de réponse en cours
Puisque les pratiques en antibiothérapie actuelles mènent à une diminution de la prévalence de l’antibiorésistance, et qu’une minorité d’élevage consomment la majorité des antibiotiques, pourquoi ne pas plus s’intéresser à ces "rares" élevages gros consommateurs ?
C’est bien l’un des objectifs lorsqu’on appuie des éleveurs dans la résolution de problèmes de santé du troupeau.
Existe-t-il une "limite" en terme de quantité d’antibiotique par animal à ne pas dépasser pour pas participer à l’émergence de résistances ? (limite objectif pour les éleveurs) ?
recueil d’éléments de réponse en cours
Quelles sont les disponibilités en test de diagnostic rapide en élevage ?
Cela existe pour certaines pathologies (ex : diarrhées des veaux) et des solutions commencent à émerger ou sont en cours de tests pour d’autres pathologies (ex : mammites)
Quels sont les modules liés à la problématique de l’antibiorésistance dans les formations initiales (Bac pro, BTSa…)
Les référentiels des diplômes en productions animales comportent des modules relatifs à la gestion du médicament, à la santé animale et la santé publique, dans le cadre desquels peuvent être abordés les problématiques liées à l’antibiorésistance.
En 2016, la Draaf a financé des interventions du GTV Bretagne sur le sujet, dans les lycées agricoles publics détenteurs d’animaux de rente. Il est envisagé de reconduire cette action.
Écoantibio et animaux de compagnie, NAC, chevaux, petits élevages de particuliers (lapins, volailles) : doit-on considérer que ce sont des populations négligeables en termes d’impact sur la santé publique ?
Du fait de la proximité et des contacts des animaux de compagnie avec leurs détenteurs, les contaminations croisées par des bactéries potentiellement résistantes et les transferts de facteurs de résistance représentent un risque non négligeable. Les particuliers détenteurs d’animaux sont donc aussi concernés par le plan Écoantibio.
Dès 2014, une campagne à destination des particuliers a été lancée : « Les antibiotiques, pour nous non plus c’est pas automatique » avec des rappels des bonnes pratiques d’hygiène (laver l’animal s’il est sale, désinfecter les plaies, se laver les mains régulièrement, etc.) et du bon usage des antibiotiques (respect les doses et durée de traitements prescrites, ne pas réutiliser les antibiotiques).
Les chevaux et volailles, lapins détenus par les particuliers sont réglementairement considérés comme des animaux de rente, et sont donc concernés par toutes les mesures, y compris réglementaires, prises dans le cadre du plan Écoantibio.
Favoriser l’utilisation des médecines complémentaires (homéopathie, phytothérapie, aromathérapie) serait-il une bonne alternative ?
C’est une piste qui est soulignée dans l’axe 1 - action 2 du deuxième volet du plan Écoantibio : "Acquérir des références sur les traitements alternatifs permettant de limiter la prescriptions d’antibiotiques".
Les données disponibles à ce jour sont peu concluantes et avec la phytothérapie et l’aromathérapie s’ajoute la problématique règlementaire liée aux Limites Maximales de Résidus (LMR).
(Pour les mammites, un essai avait montré l’inhibition d’effet bactéricide de certaines huiles essentielles par le lait).
Pour en savoir plus https://www.anses.fr/fr/system/files/ALAN2013SA0122Ra.pdf
Il faut rappeler dans ce cadre l’importance de la prévention des maladies infectieuses, de la biosécurité et de l’usage des vaccins.